Rodin, tops & flops
Je suis né à Paris rue de l’Arbalète dans le 5e arrondissement en 1840. Nous étions 5 enfants. À 22 ans, il ne reste que moi, la perte de ma soeur aînée Maria m’affecte profondément. Mes parents sont des gens simples, mon père m’a transmis ses valeurs et soutenu dans mes choix, il m’a dit « Si tu veux être artiste, alors sois le meilleur. » Je lui dois ma première oeuvre.
Je suis un élève médiocre, myope. Je ne maîtrise ni l’orthographe, ni la syntaxe. Je rechigne à prendre la parole, je suis un taiseux. Mes moyens naturels sont la terre et le crayon.
J’échoue trois fois au concours d’entrée de l’école des Beaux-Arts, me privant du prestigieux prix de Rome, le sésame des artistes. Je n’ai alors pas un sou et tout à accomplir. Un mal pour un bien, ces années de travail en tant qu’artisan me formeront pour le reste de ma vie.
Je travaille dur dans l’atelier de Carrier-Belleuse où je suis ouvrier. En 1870, je le suis jusqu’en Belgique, où je réside sept ans. Ma vie est simple et modeste, je peins dans la forêt de Soignes. Rose, ma compagne m’a rejoint, ce sont les plus belles années de ma vie !
Ma réputation est salie, on m’accuse d’avoir moulé directement sur un modèle, et même d’avoir utilisé un cadavre ! Heureusement j’ai des amis, de vrais soutiens. Trois longues années de polémique. Je dois me défendre. Pourtant, ce scandale m’ouvre les portes du succès.
J’ai eu un enfant né en 1866, Auguste, avec Rose. Je m’en suis peu occupé, la paternité s’accommode mal avec les exigences de l’artiste. Pourtant, à ma demande, il reviendra vivre à mes côtés les dernières années de ma vie. Je l’ai mis à l’abri du besoin.
Une grande nouveauté : la bibliothèque du 3e arrondissement autorise les prêts d’ouvrage à domicile. Je prends ma carte de prêt, je suis le 414e inscrit ! Je découvre Homère, Lamartine, Rousseau, plus tard je découvrirai Dante, Mallarmé, Baudelaire. J’illustrerai même « Les Fleurs du Mal. »
À table, j’ai des goûts simples : l’omelette, le ragoût, la tarte aux pommes. Un bon vin rouge accompagne mes repas. Monet et moi avons le même fournisseur de vin ! Boire, manger, dormir et aimer me semble la plus grande sagesse.
Ce cher Mirbeau est le plus fidèle de mes défenseurs. Cet homme de lettres est un inconditionnel de l’anticonformisme, il a compris le premier le bouleversement que j’apporte à la sculpture
Amis de toujours, nous avons failli nous brouiller lors de notre exposition à la galerie Georges Petit en 1889, mais notre amitié surmontera toutes les épreuves. Claude Monet m’a aidé à comprendre la lumière, les nuées, la mer, les cathédrales.
Image : © Fondation Claude Monet, Giverny
Nous partageons la même sensibilité esthétique. Ses obsessions en peinture sont les miennes en sculpture : jeux d’ombre et de lumière, figures évanescentes et fantomatiques.
Mon chef d’atelier, mon homme de confiance. Il me comprend d’un seul regard. Il n’a pas son pareil pour patiner les bronzes, il faut le voir chauffer la couleur jusqu’à ce qu’il obtienne le résultat désiré. Curieux de tout, il explore même la photo.